La Confrérie des Royés

 

 

Historique extrait de l'ouvrage N. PLOYART, La procession du Saint-Cordon à Valenciennes : identité urbaine et piété populaire en Hainaut 1614-1774, mémoire de MASTER 1 sous la direction du prof. Denis Crouzet, Université Paris-Sorbonne Paris IV, Paris 2008.

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La confrérie des Royés est en effet plus spécialement chargée de la garde de la châsse contenant le Saint-Cordon et son port lors de la procession de la ville.

(Voir Le Saint Cordon de 1008 à 1794).

 

Nous allons surtout nous intéresser rapidement à son organisation et son évolution au cours des XVIIe et XVIIIe siècles.

Nous n’avons pas la prétention de réaliser ici un travail exhaustif sur ce sujet, qui mériterait un travail plus en profondeur. Tout juste allons-nous aborder les éléments principaux de l’organisation de cette confrérie.

 

Pour cela, nous avons à notre disposition une copie du règlement de la confrérie datant de 1523[2]. Ce règlement est en vigueur chez les royés tout au long des XVIIe et XVIIIe siècles, comme nous le confirme une lettre de 1784.[3] Ce règlement nous permet de relever plusieurs points concernant l’organisation de la confrérie.

 

1)      Hiérarchie et nombre de confrères

 

Les confrères royés doivent être au nombre de 36 au maximum. Ils élisent entre eux trois maîtres pour l’année. Cette élection a lieu le jour de la procession au repas du soir[4]. L’élection est scellée lorsqu’ils boivent dans la « couppe dorée » lors de ce repas[5].

           

Les confrères élisent ensuite « quatre esleus » (quatre élus) qui sont là pour pallier à l’absence ou au manquement de l’un des maitres. Ce sont ces trois maitres de la confrérie qui avancent l’argent sur leurs propres comptes pour tous les frais de la confrérie pendant l’année (drap, cire, obit, etc.). Une allocation de 12 livres tournois est attribuée en fin d’année par la fabrique de Notre-Dame la Grande pour couvrir ces frais.

 

Revenons quelques instants sur le nombre des confères. S’il est fixé au maximum à 36, ce nombre est rarement atteint.

           

L’abbé Julien, curé de la paroisse Notre-Dame à la fin du XIXe siècle a recensé, dans son ouvrage[6], le nom des confrères à plusieurs dates précises du XVIIIe siècle.

           

Nous pouvons donc tirer de ce relevé un graphique établissant le nombre des confrères Royés au XVIIIe siècle :

 

On remarque ainsi deux choses sur ce graphique. Premièrement, le nombre de Royés a augmenté tout au long du XVIIIe siècle, remettant en cause toute théorie de désintérêt des Valenciennois pour la procession et le culte du Saint-Cordon.

 Deuxièmement, au regard du nombre de laïcs qui composent cette confrérie, on remarque qu’au cours du XVIIIe siècle, il y a de plus en plus de confrères qui sont des religieux (Abbé d’Hasnon, de Vicoigne, Doyen par exemple), ce qui tend à montrer une certaine prise de contrôle du clergé sur la confrérie, véritable cœur de la procession de la ville. 

 

2)      Habit

 

Comme déjà vu précédemment[7], les confrères ont un habit particulier, qui donne justement son nom à la confrérie. Selon le règlement de 1523, cet habit rayé est renouvelé chaque année : les confrères doivent verser 4 livres tournois pour acheter le tissu de l’année. En 1523, il y a une alternance sur trois ans pour la couleur des rayures ; tantôt gris de Gand, tantôt rouge et tantôt azur. Cette pratique a été changée par la suite comme l’affirme d’Oultreman[8], car elle était plus source de ridicule que de dévotion.

     

L’abrégé de l’histoire du miracle de 1768 nous décrit l’habit des Royés de la fin du XVIIIe siècle :

C’est une robe de drap noir, bordée de haut en bas d’un galon aurore, avec un large ruban bleu[9] qu’ils portent en écharpe[10].

           

Dans le règlement, une amende est prononcée contre le Royé qui ne possède pas la bonne tenue, qui porte sa robe à un autre jour que la procession (sauf nouvel an autorisé) ou encore prête sa robe à quelqu’un d’autre.

 

3)      Recrutement

 

Toujours d’après le règlement, le recrutement se fait sur approbation des autres membres le jour de l’assemblée. Le règlement témoigne d’un milieu assez fermé, qui s’auto-reproduit socialement. En effet, il existe deux tarifs pour ceux qui désirent intégrer la confrérie, selon qu’ils soient eux-mêmes fils de Royés ou non. La différence de prix entre les deux est du simple au double (10 livres pour un fils de Royés, 20 livres pour les autres).

 

4)      Vie interne

 

Quelques règles de vie interne de la confrérie sont spécifiées dans le règlement. Nous n’en citerons que deux. La première est caractéristique des confréries. En effet, celle-ci demande aux confrères l’assistance aux funérailles des autres confrères et des épouses de ceux-ci. Enfin, la seconde règle tend à réglementer les mœurs des confrères en interdisant notamment à tout confrère d’être concubin hors mariage.

 

            Rappelons enfin pour terminer ce chapitre qu’il existe  au XVIIIe siècle à côté de la confrérie des Royés le groupe des « Associés » à la confrérie des Royés. Le nombre de royés étant fixe, cette sorte de « tiers ordre » de la confrérie des Royés permet d’associer un plus grand nombre de personnes à la vie de la confrérie.

 

            Ainsi l’Abrégé de l’histoire du Miracle publié par la confrérie en 1768[11] publie un règlement pour ces « associés » à la confrérie des Royés. Citons rapidement quelques règles de ces associés :

-          Hommes et femmes peuvent devenir associés à la confrérie des Royés.

-          Ils récitent solennellement pour entrer dans la confrérie une prière d’association.

-          Ils peuvent faire dire des messes pour leurs morts.

-          Ils doivent assister (sans obligation toutefois) aux sorties de la châsse.

-          Ils doivent prier chaque jour la Vierge.

-          Ils doivent visiter les « confrères associés » malades.

-          Ils doivent prier pour le repos de l’âme des confrères défunts.

 

La prière d’association à la confrérie des Royés que nous reproduisons ci-dessous est véritablement emprunte des combats de l’église catholique du temps.

 

Je, N. jure par le Dieu tout puissant, et sur la damnation de mon ame que je crois tout ce que croit la Ste. Eglise Catholique Apostolique & Romaine & que je tiens la doctrine qu’elle a toujours, tenuë et tient sous l’obéissance de N. St, Pere le Pape, détestant toute doctrine contraire à icelle si comme des Lutheriens, Calvinistes, Anabaptistes & des tous autres Hérétiques & Sectaires que tant qu’en moi il fera je m’y opposerai avec forces. Ainsi m’aide Dieu et tous les Saints, promettant aussi d’observer les règles de l’association à la confrérie de N. Dame du Cordon, à laquelle je me dédie et consacre aujourd’hui à la plus grande gloire de Dieu et de la Ste. Vierge immaculée. Ainsi soit-il[12].

 

            La lutte contre l’hérésie et le jansénisme est toujours d’actualité au XVIIIe siècle. N’oublions pas que cette prière d’association à la confrérie des Royés est publiée dès 1755, en pleine affaire des billets de confession qui ne se termine qu’en 1756.

 

Toujours est-il que cette extension de la confrérie, qui forme une véritable confrérie à côté de la confrérie principale, prouve indéniablement le prestige dont jouit la confrérie des Royés au XVIIIe siècle à Valenciennes, même si celle-ci a connu des difficultés dans les années 1780 avec le Magistrat[13].

 


[1] Voir N. PLOYART, La procession du Saint Cordon..., L’institution de la procession et la confrérie des Royez, p. 46

[2]In Bulletin de l'œuvre du Couronnement de Notre-Dame du Saint-Cordon,Valenciennes, 1er novembre 1896 - 7 juin 189, p. 113 sqq. et 118 sqq.

[3] B.M. de Valenciennes, archives série GG, Côte 1500 bis (Annexe XII p. XXXIV). Le règlement de 1523 est cité comme référence dans ce document.

[4] Voir N. PLOYART, ibid., Déroulement de la journée p. 148

[5] In Bulletin de l'œuvre du Couronnement de Notre-Dame du Saint-Cordon,Valenciennes, 1er novembre 1896 - 7 juin 189, p. 118

[6] Abbé Julien, Histoire et  culte de Notre-Dame du Saint-Cordon, Valenciennes, Giard, 1886, p. 201 sqq.

[7] Voir N. PLOYART, ibid., L’établissement de la procession et de la confrérie des Royés, p. 21

[8] Pierre d’Oultreman,op.cit, p. 424

[9] Ibid. Pour le XVIIe siècle, d’Oultreman décrit le même habit, à la différence près que la rayure n’est pas bleu, celle-ci est de différentes couleurs selon les royés en référence à la légende qui atteste que le cordon pouvait être vu de différentes couleurs.

[10] Confrérie des Royez, Abrégé de l’Histoire du Miracle…, éd. cit., p. 25

[11] Confrérie des Royez, Abrégé de l’Histoire du Miracle…, éd. cit., p. 64-66

[12] Ibid., p. 66-67 et La Solemnelleetdevote procession.., J.B. Henry, Valenciennes, 1755, p. 79

[13] Voir N. PLOYART, ibid., La veille de la procession, p.110

 

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